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2018 (En cours)
25 Photos / Texte



Un voyage à poursuivre, commencé en 2018, dans les 12 villes, éponymes des capitales historiques Européennes, situées au coeur de l’Amérique. Un road trip symbolique pour parler de cette société au parfum post-démocratique, à ce moment précis où populisme et technocratie semblent s’affronter un peu partout en Occident, dans un duel où le peuple ne se retrouve plus. Regarder ce pays, né des colons venus d’Europe qui en ont chassé les autochtones, c’est nous regarder aussi, tant nos liens sont forts, et tant nos états sont unis pour le pire et le meilleur.  Dans cette route il y a forcement un peu d’une obédience à Robert Frank, Jack London, ou Wim Wenders, mais au delà de l’initiatique il y a une volonté de raconter ce pays avec le prisme des réminiscences de mon histoire personnelle




12 Juillet 2018,

Happy Birthday. Pour mes 40 ans je me suis offert un voyage en Amérique

Ce pays où 30 ans plus tôt mon père a disparu. J'avais 10 ans et lui devrait en avoir 70 aujourd'hui. La crise de la quarantaine doit être héréditaire chez nous, Cécile m'a quittée, il y a 2 mois. Rien d'aussi rocambolesque que la disparition paternelle, juste la banalité des histoires de couple auxquelles on a oublié de prendre soin, avant qu'il soit trop tard. Des adieux pour l'été à ma fille, et me voilà à Lisbonne, Maine, là où mon père semblait vivre la dernière fois que j'en ai entendu parlé. Enfin je n'en suis même pas sur aujourd'hui. Je me souviens de ce nom, que je retenais facilement sans savoir pourquoi, avec cet air de déjà vu. La ville m’accueille par un gigantesque panneau « Jesus Love you », c'est bien la seule chose gigantesque de la ville d'ailleurs. Trois quartiers, une dizaine de rue qui croisent la route 196, un semblant de centre ville, une usine à l'abandon et une riviere qui se finie en un barrage pas vraiment imposant pour marquer la fin de la ville. Je ne suis pas enquêteur, pas journaliste et je ne sais pas par où commencer, j'ai tapé le nom de mon père sur google ; rien en est sorti. C'est tellement improbable aujourd'hui de ne pas avoir de réponse à ses requêtes sur le web, que j'ai décidé de venir. J'ai juste cette photo, avec moi que j'avais sauvé de l'autodafé de ma mère, et gardé précieusement caché depuis. Nos albums de famille ne sont plus qu'une collection de photos coupées, déchirées. Toujours la même partie manquante, celle que j'ai dans la main. Alors je vais au plus simple, au poste de police.
Un flic, la trentaine, une gueule qui pourrait se confondre avec celle de bruce willis m'acceuille derrière une grande vitre blindée. Mon accent n'est pas bon, il me pense canadien. Non, Français je dis. Cela suffit pour éveiller sa curiosité, il sort de son bunker vitré pour venir près de moi. Sur son gilet par balle un nom : Picard. - c'est français ça non ? - Non, enfin oui mais tellement de génération sont passée que je ne sais plus. - Je lui explique ma quête, il regarde la photo, ça ne lui dis rien. Il faut dire que ca fait seulement 5 ans qu'il est en poste. Il fait une copie et prends mes coordonnées. Je me cherche un endroit pour boire un café, et réfléchir par quel bout prendre la suite. Il m'indique un endroit un peu plus loin sur la 196, là où les parkings rejoignent la route, là où le Donner Donuts fais face au Pharmacy CVS. Je me gare entre 2 pickup, l'un à une plaque siglé NRA, l'autre un autocollant Bernie Sanders collé au cul. Je me dis que ca doit être la guerre la dedans Et devant moi un Dinner qui semble être seul rescapé d'authenticité du secteur. Impression confirmé en poussant la porte. Interieur tout en lambris et comptoir en U en acier chromé, la salle de restaurant attenante est dans le même style, moquette au sol, au mur les peinture qui ne peuvent être que fais maison ou par l'artiste du coin qui a du negocié en echange quelque repas, montre la ville sous des couchers de soleil qui n'arrive même pas à me faire envie. Il est 11h du matin, on est cinq en comptant le personnel. Deux hommes se font face de part et d'autre du comptoir. Je cherche à relier leur tronches aux plaques d'immatriculation aux gueules. Celui qui a le plus de bacon dans l’assiette ne peut être que celui du NRA. Derriere lui, sur la route des toilettes, un mur de photo, avec les plus ou moins celebrité passé par là, posant avec la serveuse et son mari, qui doit être celui que je devine en cuisine.
Aux portraits qui permette de voir vieillir le couple et de dater le lieu s'ajoute les paysage du tourisme de masse envoyé en carte postale par les fidèles clients. Les deux hommes ne parlent pas, un lit le « Porland Times », à la recherche de la date du reouverture du pont de Mill St ou du dernier fait divers du coin, l'autre semble devorer avec autant d’appétit son lard que les conneries de Fox News. Je ne semble pas exister, a peine me jettent il un regard en coin au moment ou je refuse crème et sucre pour mon café. Je m'assois dos à la TV, face à l'homme au bacon, mon regard passe du visage de la serveuse à celui sur les photos, comme un jeu des sept erreur, j'essai mentalement de reclasser les photo dans une chronologie. Clint eastwood, est pour le moment le seul que j'ai reussi à identifié à ses côté. Mais je suis pas très fort à ce jeu, déjà quand j'ouvrai les closers de Cécile, j'avais l'impression d'être d'un autre monde, de ne jamais connaître personne. Alors en plus ici... Je crois pourtant en reconnaitre un autre, au second plan derrière les deux hommes qui entoure la fille, ce serait tellement improbable... Je me rapproche, pour examiner la photo, sors celle que j'ai dans la poche, pas de doute dans la comparaison. (...) 04 Septembre 2018,

J'arrive à Berlin de nuit par la route de Bretton woods. Le mont Wahisgton doit être quelque part sur ma droite, un panneau en indique la montée. Puis c'est au tour du mont Eisenhower et de Jefferson de pointer, mais je ne vois rien de la géographie présidentielle le ciel est couvert la lune inexistante ce soir, de toute ce melange d' histoire et de geographie me rappelle de mauvais souvenir de college.



Ce sont mes derniers jours aux USA, déjà 80 jours que je suis dans ce pays, j'ai pris un billet retour pour le 90eme jour synonyme de fin de visa touristique. Je n'ai toujours pas trouvé mon père, je n'aime pas ce pays mais la piste est là et je ne vais pas la lâcher. Après Lisbon, Amsterdam, Copenhagen, me voilà donc à Berlin, ce que je voyais comme une coïncidence incongru au départ ne peut plus en être une. Je ne comprends toujours pas le jeu, mais je sais maintenant où je vais. Je cherche un motel, sans succès. La ville est moins touristique que je ne l'aurai cru. Par contre ça ne manque ni de Gun Shop, ni de Liquor store mais seul Wallmart propose le combo à tout heure du jour et de la nuit. Une pancarte pour un camping, la route suis la riviere, et moi je suis la route. Le panneau jaune « Beware the Moose » ne m'eveille plus l'exotisme de mes premiers pas dans ce pays où même le sauvage est privatisé, parqué. De toute facon je fais finir pas croire que les elans sont un mythe, pas un seul de croisé en 3 mois à sillonner les routes. Mais je ne suis pas là pour chasser, enfin si, c'est mon passé que je traque. Que vais je découvrir cette fois, il a joué a être Robert Mitchum à Lisbon, Michael Moore à Copenhagen, ici il ne lui reste plus qu'a être un ange dans un hommage au maestro Wenders. Une nouvelle facette de cet homme qui a construit sa vie dans la fiction. Une fiction qui s'est un peu trop mêlé à mon réel, peut être qu'il faut que je fasse une croix que j'abandonne.

(…) ­


Extraits de la nouvelle accompagnant le projet