Arno Brignon a travaillé sur des projets de commande pour la presse régionale et nationale tout en développant parallèlement ses projets personnels à travers notamment des résidences. En 2009, il décide de se consacrer exclusivement à la photographie et obtient, en 2010, la Bourse du Talent (Toulous’up) pour son travail photographique sur le Mirail. Diffusé depuis 2013 par l’agence Signatures, son travail est rapidement repéré et a fait l’objet de plusieurs expositions. En 2016 et 2017, on peut citer entre autres des expositions à l’espace Saint-Cyprien à Toulouse, au Fotofestival à Cluj (Roumanie), à la galerie Omnibus à Tarbes, au Cnap à Paris, à la Villa Tamaris à la Seyne-sur-Mer, au festival Fotolimo à Portbou (Espagne), au centre culturel Bonnefoy à Toulouse.

Dans les travaux qu’il rassemble sous le titre général Nostalgie du béton, Arno Brignon intègre subtilement l’héritage de la photographie documentaire. On perçoit dans ces séries une aspiration à documenter le réel dans ses marges, rendre compte d’un état du monde à travers les événements, les gens qu’il rencontre. Une dimension plus subjective, une sorte de gradation autobiographique se met en place avec la série Joséphine où il prend pour modèle sa fille Joséphine et sa compagne. Arno Brignon devient ici spectateur et parfois modèle de son intimité familiale. Déjouant les codes de la photographie de famille, les images réalisées, plus intimistes et poétiques, laissent transparaître une certaine mélancolie au sein de la banalité du quotidien familial.

Rendre sensible ce qu’il a vu, traduire la vie en l’amenant du côté d’une interprétation fictionnelle, onirique voire fantastique, mystique parfois, c’est ce qu’il développe pendant une résidence dans le Couserans. Lors de ce processus immersif de plusieurs mois sur ce territoire rural retiré, il utilise le sténopé pour aller à la rencontre des habitants de la vallée. Ce projet donne lieu à la publication, en 2016, du livre / restitution Based on a true story dans lequel il mêle ses images et un long récit à la première personne. L’écriture, comme une forme d’écoute de soi, oser imposer son propre rythme face à ce qui se présente, les fameuses absences du photographe. Il est question de la mémoire, du rapport à la nature et aux croyances.

Depuis février 2018, on croise régulièrement le photographe Arno Brignon dans les rues de Lectoure. L’Été photographique présente la restitution de cette résidence à Lectoure. Pour ce projet, il utilise la camera obscura comme moyen de rencontres et occasion de prises de vues, mettant en place dans la mesure du possible un studio / labo dans les lieux qui accueillent les séances photographiques. Les protagonistes deviennent les acteurs de la révélation des images. Que cela soit au Café des sports, au loto du village, au bal gascon, au carnaval de l’Amicale laïque, à la médiathèque ou encore au conseil municipal, chacun des lieux, chacun des événements est un prétexte à des portraits photographiques ainsi qu’à des vues paysagées de la ville. Il n’est plus question de fichiers et d’octets ici. Le sténopé tel une sorte de machine à poésie, à rebours des diktats du prêt à regarder propre à la société de consommation, à rebours d’une utopie techniciste de perfection, de la netteté de l’image, laisse toute sa place à l’expérimentation des images, aux accidents et aux aléas divers, une manière de pousser l’image dans ses limites, ses retranchements. L’installation composée des images et collectes d’anecdotes et de petites histoires convoque et actualise les esprits du passé, ranime le souvenir d’une vie de village et participe d’une sorte d’immense portrait de famille.



Marie Frédérique Hallin